samedi 12 février 2011

NCIS, le reflet des Etats-Unis. Les raisons du succès.

NCIS est très souvent critiquée pour son manque de profondeur, la lente évolution de ses personnages, ses intrigues routinières et ses astuces pour toujours gagner plus d'audience. (je ne parle pas du spin-off, on s'est bien compris...) or, celles-ci n'ont jamais été si bonnes. Pourquoi ? J'ai décidé après avoir débuté la saison 8 de chercher les points forts de la série. Retour sur un cop show culte...

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On ne peut véritablement s'intéresser à NCIS qu'en considérant la série de manière générale. Pour cela il faut donc étudier son évolution globale. Elle se meut en adéquation avec l'évolution de Etats-Unis, comme le montrent les nombreuses références au cinéma américain (par l'intermédiaire de Tony qui ne manque pas de citer ses classiques favoris) c'est une série très traditionnelle qui illustre les valeurs de la puissance mondiale. Si on grossit les traits, on peut dire que les Etats-Unis possèdent deux moteurs : la guerre et le cinéma, ce que NCIS représente parfaitement.   Je pense qu'il faut pour comprendre la série, l'éclairer par le western. D'ailleurs cette filiation apparaît clairement lorsque Gibbs et Franck s'aventurent au Mexique et lors du dernier épisode de la saison 7 on nous apporte la représentation typique du cowboy solitaire, avec son chapeau et son cheval. On apprend assez tôt que Gibbs a fait justice lui-même pour venger le meurtre de sa femme et sa fille, c'est le fondement du cow-boy hollywoodien. Cela ne choquait pas jusqu'à la guerre en Irak mais depuis le pays s'est interrogé sur lui-même jusqu' à se remettre en question, on note également que l'accès de Barak Obama au pouvoir a apporté de nouveaux éléments sur le petit écran. Il s'agit bien d'une nouvelle représentation des Etats-Unis. Lors de l'épisode 16 de la saison 7 (Flash-back), Gibbs et sa belle-mère s'accordent sur un point : ils n'éprouvent aucun remord après la vengeance. Voilà la stature de l'ancienne Amérique mais les épisodes suivants nous montrent les conséquences dramatiques que peuvent avoir ces actes.  La vengeance peut aboutir à une vendetta, si elle est compréhensible de la part d'un être humain elle est irresponsable venant d'un état ou d'une institution incarnant la justice.  Or, cela a probablement contribué à lancer la guerre en Irak. Le directeur  du NCIS le dit, il ne veut plus fermer les yeux sur les actes de Gibbs. Le personnage toujours admiré et élevé en héros lors des saisons précédentes a fait des erreurs, ainsi il ajoute à sa fameuse liste une leçon de vie, la cinquante et unième : "Sometimes- you’re wrong." (Parfois tu as tort) Cette saison 7 marque ainsi un tournant capital dans l'histoire de la série.  Jamais auparavant on ne s'était positionné du côté de l'agresseur. Le terroriste était le méchant, les Etats-Unis représentaient la justice, aucun remord n'était justifié car Gibbs était toujours dans son bon droit. Depuis l'histoire du cinéma américain on retrouve cette caractéristique, le bon peut transgresser la loi, il peut tuer s'il respecte une certaine éthique. Dans les western,  c'était déjà le cas de John Wayne incarne dans la Chevauchée fantastique un criminel mais un héros criminel ! Il suit ses propres codes moraux et l'on s'attache rapidement au personnage. Ces codes apparaissent bien dans NCIS sous la forme de la Liste de Gibbs. Abby, symbole d'une Amérique moderne anti-conservatrice, est d'ailleurs choquée de cette vérité. Malgré son amour inconditionnel pour Gibbs, le mythe qu'elle en avait dressé est écorné. Le changement est donc marqué par l'arrivée des Mexicains, on se penche sur les enfants de l'homme tué par Gibbs. On découvre un frère et une sœur, de grandes menaces qui sont toutefois humanisées par le lien fraternel qui les unit en début de saison 8. Par conséquent, la mort de Paloma n'est pas une victoire mais une défaite.

Gibbs est le personnage central de la série, je ne pense pas que les audiences seraient si bonnes sans lui.  Le personnage est vieillissant, les États-Unis commencent seulement à éprouver le passage du temps, étant une nation très jeune ils ne s'étaient jamais véritablement tournés vers le passé et remis en question mais presque 10 après les attentats du World Trade Center, après la guerre d'Irak et enfin l'élection d'Obama il doivent définir de nouveaux repères. Je vois donc en Gibbs l'incarnation de l'Amérique, une Amérique fière de génération en génération comme en atteste le passage en relai du surnom " le bleu". L'Amérique est jeune, le bleu c'est l'Amérique. De Franks à Gibbs, de Gibbs à Tony, de Tony à McGee.

Si l'on s'interroge sur le statut de la femme on note également une belle évolution, le personnage de Cate était amusant lors de ses joutes verbales avec Tony mais il avait été très peu approfondi. Elle n'était qu'un pion scénaristique, sa psychologie étant trop peu détaillée. Evidemment il ne s'agit pas de faire du Woody Allen ou des réflexions métaphysiques mais comme le dit justement la scénariste Nathalie Lenoir il est important qu'un auteur donne forme, pour lui-même à l'esprit de son personnage. * Même si cela ne ressurgit pas directement,  le téléspectateur devinera ainsi sa profondeur. Evidemment NCIS n'est pas la série la plus représentative de ce phénomène mais la "nouvelle génération" est marquée par Ziva David or ce personnage nous révèle beaucoup sur les Etats-Unis, sur les rapports monde arabe/Israël.  Mais on s'intéresse aussi à elle hors du cadre militaire, je me souviens d'un épisode relativement émouvant où elle tombe amoureuse d'un Marine mourant. Elle n'apparaît plus en tant que super soldat du Mossad puiqu'ils se connaissent grâce au quotidien le plus banal : leur footing matinal. On quitte définitivement la représentation désuète de la femme. En effet, Ziva est forte et indépendante, on devine parfois sa sensibilité mais la série exclue tout mouvement vers le pathos.  Il semble d'ailleurs qu'à chaque pas vers l'histoire d'un personnage, les scénaristes reculent comme effrayés par cette intrusion du sentiment. Tout n'est qu'allusion et il serait probablement une erreur de modifier la "recette NCIS", ainsi les scénaristes se contentent d'apporter de saison en saison un relief supplémentaire. Par exemple lorsque Ziva et Tony sont à Paris, le doute plane, ont-ils eu une relation ? Cela contribue bien entendu au duo comique et renforce les audiences mais j'y vois une illustration de cette barrière. Les scénaristes ont peur d'aller vers le sentiment, ils les tournent d'ailleurs souvent en dérision. (on retrouvait cette particularité dans JAG, la série-mère de NCIS) Si l'on ajoute les cadavres vus sous tous les angles, les explications "scientifiques" de Ducky, la froideur de Gibbs, mais aussi de Ziva on peut se demander s'il n'y a pas là un rejet du rêve américain de base, comme s'ils n'y croyaient plus comme si ce n'était plus crédible de s'engager sur ce terrain. Alors on fait machine arrière, après une intrigue relativement intéressante on retourne au degré 0 de la série: les enquêtes routinières, les blagues de collègues, les idioties de Tony et les tapes sur la tête de Gibbs. Hey, ce n'est qu'une série, un show rien n'est important, tout est faux. Et pourtant...


* "Sinon, c’est vrai que quand j’évoque ce besoin de fouiller dans les méandres de la psyché humaine pour créer un personnage il est bien entendu que cette petite cuisine interne doit le rester, on ne peut pas dispenser un cours magistral au spectateur, qui s’en fiche et il a bien raison. Je suis persuadée, en revanche, que si un auteur connait l’inconscient de son personnage de façon intime, il le rendra bien plus riche, crédible, multidimensionnel comme disent les ricains, au moment de le faire participer à l’intrigue." Nathalie Lenoir sur Scénario Buzz

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