lundi 24 janvier 2011

Never let me go ou l'art de la poésie automnale

Attention : cette critique peut contenir quelques spoilers.
Tout a commencé lorsque je suis allée voir Au delà, la bande-annonce a été diffusée et je me suis sentie attirée par ce film, son ambiance. Alors, encline à plonger dans l'univers de Never let me go, je me suis empressée de le regarder. Il ne peut répondre à aucune attente, comme s'il venait d'un monde parallèle, anti-occidental, hérité des philospohes stoïcistes mais n'en doutez pas, ce film est une merveille...

Les dernières paroles de Kathy font penser que nous sommes comme ces enfants, comme ces clones et que nos vies ne sont pas si différentes des leurs. "Peut-être que personne ne comprend réellement ce qu'il a vécu et que personne n'a le sentiment d'avoir eu assez de temps."
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Les acteurs, les trois sont talentueux, les plus jeunes c'est-à-dire ceux qui interprètent les enfants ont de l'avenir je pense. La ressemblance entre les deux Cathy est marquante, le passage de l'une à l'autre à la sortie de l'internat est d'une fluidité rarement vue. Changer d'acteurs, voir le temps qui passe est d'habitude plus violent, plus abrupte. On arrache le spectateur de l'univers avec lequel il s'était familiarisé pour un autre. Mais ce n'est pas le cas ici, ce qui donne un grand bénéfice à la valeur donnée au temps dans Never let me go. On reconnaît parfaitement les personnages, on peut donc féliciter la mise en scène qui fait glisser les images dans notre esprit. La structure du film est d'ailleurs d'une cohérence remarquable, tout est symétrique car les premières images (des amas de couleurs) sont aussi les dernières, de plus on commence par la fin. Kathy, la narratrice se plonge dans ses souvenirs...La crise de Tommy au début du film se reflète dans la dernière. Les couleurs, les paysages, les bâtiments anglais, chaque détail crée une ambiance mélancolique, profondément triste et poétique. Faire résonner l'enfance à la vie adulte, et clore le film par la chorale dans l'école nous rappelle que tout est toujours lié au commencement, ce qu'on oublie souvent. Dix ans ont passé mais les trois amis ne se sont jamais oubliés. Tommy dit d'ailleurs que le temps n'a pas passé et si l'on se souvient de ce qui importait le plus pour nous à une certaines époque, de ce que nous étions autrefois alors effectivement le temps n'a pas passé.
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J'admire d'ailleurs ces deux personnages, il possèdent un fatalisme étonnant. Ils font ce qu'ils doivent faire sans se poser de questions, puisqu'ils ne peuvent changer le cours des choses ils doivent les accepter. Cathy est d'un si grand calme et d'une compréhension des autres qu'elle se sent fière à l'idée de donner. Elle n'aura pas de discours sur son statut ou son identité, elle fera ce qui lui semble juste même si ça lui coûte la vie. Elle rejettera les faux espoirs, s'interdira de s'imaginer plus heureuse, elle ne songera jamais à la façon dont les choses auraient pu être. Elle a atteint un degré d'abnégation digne des philosophes stoïcistes qui acceptaient la douleur ou tous les évènements sur lesquels ils ne pouvaient influer. Selon eux, il faut savoir changer ses désirs si on les sait irréalisables afin de ne pas souffrir. Mais Cathy n'oubliera jamais le passé car dans ce film tout a rapport à l'enfance. Je crois que la vie est ainsi, les premiers instants restent gravés à jamais, les premières rencontres. Le petit cheval de Ruth le rappelle, l'homme met ces vérités de côté pour vivre en société mais confronté à la mort imminente comme le sera Ruth il doit les assumer. Ce que nous étions autrefois ne disparaît pas et nous restons les petits enfants que nous étions. On le voit avec Tommy, lui qui semblait s'être épanoui, lui qui avait supporté les opérations,  le petit garçon qu'il était au début est toujours en lui à la fin du film. 
Les paysages, la musique, les regards nous laisse apercevoir une vision poétique du monde, un autre monde qui n'est finalement pas si différent du notre. Never let me go traite de l'intériorité de l'être, de notre rapport à la vie et à la mort. La société est presque absente du film, on l'entrevoit quelques secondes au fast-food, quelques autres devant l'agence de voyage mais tout le reste s'épanouit dans la nature.
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Au début du film, on se situe dans l'enfance mais on n'en profite pas réellement car on attend la suite, on attend le moment où les personnages sortiront de leur espace confiné, de leur cocon. L'enfance est donc assimilée au pensionnat, voire à une prison de laquelle on voudrait sortir.  Mais il ne se passe rien ensuite, "le temps n'a pas passé". On passe notre enfance à attendre l'âge adulte mais on découvre rapidement qu'il ne possède rien de si attrayant. Cette vie et les responsabilités qui en découlent nous mènent à penser aux origines , alors la nostalgie s'empare de notre esprit.  On
reconsidère notre quotidien vis-à-vis du commencement. Ce qui compte c'est notre façon de réagir lors des premières années, notre interaction avec les autres, les premiers amours. Rien de ce que l'on peut faire ensuite, une vie mouvementée avec de nombreuses occupations, des nouvelles rencontres ne peuvent changer cela. Kathy dit "Si j'avais su, je ne les aurais pas laisser partir" "Je n'aurais pas imaginé que nous si liés pouvions nous désunir à une telle vitesse."  J'avoue que ses propos m'ont marquée, en fait le changement m'a toujours choquée. Il était pour moi contre-nature, une sorte d'infidélité au passé, un abandon de ce qui avait été.
Il flotte sur ce film une tristesse élégiaque, une mélancolie bucolique qui plonge votre âme dans une douce méditation. Le regard de Kathy est toujours triste, il a quelque chose de douloureusement profond elle semble avoir compris ce qu'était la vie et elle possède une sorte de noblesse. Contrairement à elle, nous nous posons trop de questions, nous nous comparons aux autres alors que ça n'importe pas. Sentir le vent, le soleil, regarder la mer, être en accord avec soi-même et faire ce qui nous semble juste, ce sont les seules choses qui devraient nous animer, d'après ce film. Kathy ne se préoccupe pas de l'opinion des autres quand elle se rapproche de Tommy, rejeté par les autres enfants. Elle n'hésite pas à s'asseoir près de lui en dépit de son statut marginal ou des moqueries dont il est la cible. Sa sagesse, sa philosophie la rendent imperméables à ces mesquineries futiles. Elle possède un regard désintéressé, une vision poétique du monde. On sait d'ailleurs grâce à la galerie, qu'elle a un talent d'artiste.
On peut ainsi considérer le film comme une œuvre d'art qui réfléchit sur l'art. Un soin tout particulier a été apporté à l'esthétique de l'image, à la qualité de la photographie. Le soleil n'est jamais agressif ou éblouissant, ses rayons nous parviennent adoucis par les nuages. La plage, le souffle de l'air dans la prairie sont apaisants, cela rappelle probablement l'enfance et l'internat.
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Quel autre instrument que le violon aurait pu être choisi pour incarner la voix de l'âme ? De ce film émane une certaine tiédeur alors évidemment on ne monte jamais dans les aigus, on s'unit aux violoncelles aux instants les plus tragiques tandis que le thème principal est mené par un solo au violon. Les airs de la BO ne sont pas trop complexes, des notes simples aux plus pénétrantes elle accompagne discrètement l'image, touchante quand il le faut. La bande-son est essentielle, Never let me go est la chanson que Tommy a offerte à Cathy.
Si vous aimez l'action, les éclats, le tumulte de la société et que vous détestez la modération il est inutile de regarder ce film. C'est loin d'être de la science-fiction, c'est davantage un moyen de réfléchir à notre humanité, à notre existence, ce qu'elle devrait toujours permettre. On pourrait s'intéresser aux détails pratiques de l'histoire, mais je ne crois pas que ce soit son but. Je me suis bien sûr demandée comment on pouvait survivre après avoir donné deux organes vitaux mais je crois que l'aspect symbolique est essentiel. La société extérieure, celle qu'on ne voit pas pompe notre énergie vitale, elle nous absorbe dans son tourbillon. Elle peut nous casser moralement ce qui transparaît physiquement chez Ruth, affaiblie qui  doit utiliser un déambulateur pour marcher. Il s'agit d'un film profondément humain où chaque parole compte, Ruth et Tommy sont des personnages brisés en mal de vivre,  je suis toujours captivée par ces individus blessés. La scène où il demande à Kathy de s'arrêter dans les bois est déchirante, les personnages  expriment peu leurs émotions alors ça la rend encore plus forte.
Pour conclure j'utiliserai une citation, certes trop employée mais qui ne peut-être plus vraie qu'ici : "Les sanglots longs des violons de l'automne blessent mon cœur d'une langueur monotone".
A lire : Vous trouverez une excellente analyse sur cineaddict
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mercredi 19 janvier 2011

Pulp fiction, un film littéralement anthologique

Ce film est considéré comme l'un des meilleurs du cinéma américain et il possède de nombreux adeptes comme par exemple Sebmagic qui tient le site Vol au dessus du septième art. Vous trouverez sa critique ici. Mais j'avoue que je n'ai jamais été spécialement attirée par Tarantino, c'est pourquoi je n'ai jamais saisi l'occasion de regarder Pulp fiction mais je suis heureuse de l'avoir découvert aujourd'hui et d'avoir parfait ma culture cinématographique. Donc merci à Sebmagic !
Je vais vous faire part de mes impressions au fil du visionnage...
La première image que l'on aperçoit est la définition de pulp [1) la texture, la masse de matière 2) magazines bons-marchés qui publient des fictions] sur bruits ambiants, ceux des oiseaux, de la circulation, et des discussions qui prennent de l'ampleur. On commence donc par le son, l'image vient seulement ensuite. C'est astucieux, le ton est donné d'entrée : ce film sera original et décalé !
Deux individus discutent à propos de l'art du braquage. Ils sont instables, nerveux, dépendants au café. Après avoir longuement tergiversé, ils agissent rapidement, sous l'impulsion.

Il s'agit de montrer le décalage entre la violence, l'agressivité dont sont capables ces criminels et leur humanité lorsqu'il discutent à propos de sujets plus ou moins dérisoires. Par exemple lorsque Jules et Vincent parlent de séries TV, cela prête à sourire.
D'ailleurs je soutiens Vincent :  masser les pieds, ce n'est pas rien !
Pour ces gangsters c'est un métier comme un autre, c'est un rôle à jouer.
Jules cite la Bible et combat donc le malin !
Cela me fait penser à une interview de Robert Kneper sur l'interprétation de méchants. L'acteur qui s'est principalement fait remarquer pour ses rôles de criminels dans Prison Break (T-Bag) ou Heroes (interview écrite + une vidéo) dit qu'un méchant a des motivations en lesquelles il croit, il ne fait pas les mêmes choix que nous mais il est tout autant humain, il doit être complexe et ambigu pour susciter l'intérêt. C'est le cas avec ces deux gorilles qui ont leur propre morale et pensent être dans leur bon droit.
On accorde beaucoup d'importance au regard, c'est la force du cinéma que le film maîtrise parfaitement. Il s'agit de regarder en face, un thème récurrent qui jalonne en effet le film.
Marsellus, le grand chef reste longtemps invisible : on l'aperçoit de dos après vingt minutes. Sa présence en est donc d'autant plus forte, ce personnage effraie, il possède un charisme impressionnant.
Tous les aspects de la criminalité sont passés en revue : drogue, braquages, meurtres... C'est un vrai film de gangsters !
Évocation de la cuisson dans le bar rock'n roll : carbonisée ou sanguinolente. Cela résume tout l'excès des personnages, leur violence.
Pulp fiction brille par son réalisme grâce aux plans subjectifs ou aux dialogues qui n'hésitent pas à aborder longuement des thèmes de la vie quotidienne tels que les hamburgers ou à s'éclipser au profit de silences gênants.
Une scène d'anthologie :  la danse au restaurant rétro.

Avec la musique, les hamburgers, Marylin, les coupes de cheveux c'est un vrai voyage dans le temps, vers une vieille Amérique.
Autre thème : les promesse non tenues, c'était la toute première discussion du film, on retrouve ce motif avec Vincent qui se convainc de partir. (on ignorera s'ils prendront finalement leur retraite, qu'il s'agisse de Vincent ou du petit braqueur, Tarantino a décidé de laisser planer beaucoup de mystère sur Pulp fiction)
En fait dans ce film il s'agit toujours de mensonge et de jouer un rôle, c'est peut-être une métaphore du cinéma. Les références aux films (notamment Grease, un clin d’œil apprécié par le public de masse qui identifie naturellement Travolta à Danny) sont extrêmement nombreuses.
"la loyauté c'est très important"  Vincent 50' Il existe bien un code du malfrat, du gangster c'est récurrent dans ce genre de films.
Je savais bien que l'acteur jouant Lance me disait quelque chose : Eric Stoltz a interprété M. Dimitri dans Once & again, une série familiale. Un rôle bien différent puisqu'il était un professeur de littérature passionné.  (et passionnant)
La structure narrative est vraiment surprenante. On ne peut la comprendre qu'à la fin en raison des flashforwards.
C'est étrange parce que les deux malabars ont tué 3 personnes sans ciller mais la réaction de l'un face au miracle divin le rend presque sympathique. Ensuite il panique à cause d'une serviette tâchée de sang, c'est qu'il est très soigneux notre criminel !
"moi j'ai les yeux grand ouverts" Encore le motif du regard, du courage.
La scène où Jules et Vincent nettoient la voiture me fait penser à la série Breaking bad, lorsqu'ils doivent faire disparaître un corps.

A la 130ème minute on rejoint enfin les premiers personnages apparus. Jules veut protéger les faibles. La fin assez drôle  conclut le film en respectant son ton principal :  décalé ! La synchronisation des deux acteurs, leur tenue, leur naturel en regardant les clients du coffee shop laisse au spectateur l'étonnement qu'il avait au début du film.
CONCLUSION
La réalisation du film, le scénario sont très bons, il est très intéressant de l'étudier néanmoins il ne s'agit pas vraiment du cinéma qui m'attire. En tant que sériphile j'éprouve probablement le besoin de  m'attacher aux personnages et ça ne prend pas avec Pulp fiction. Mais je reconnais le talent délirant de Tarantino. Le film ne juge pas les personnages et demeure un mystère à bien des sujets, ce qui est appréciable mais je ne le qualifierai pas de chef d'oeuvre. Son but est d'être délirant, impressionnant (surtout côté réalisation), les techniques narratives sont innovantes mais je ne le trouve pas véritablement profond.  Rien ne ressort de ce film, tout est dérisoire, on n'a donc pas à s'intéresser vraiment aux personnages, malgré le réalisme du film on n'oublie jamais que c'est une fiction. (mais c'est volontaire) Chaque élément nous dit que la technique cinématographique est maîtrisée, c'est un prétexte à exceller  dans  ce domaine c'est probablement le film qui démontre le mieux l'art de Tarantino. Il s'agit donc comme une célébration du cinéma américain par l'un de ses surdoués, cela apparaît même dans le casting notamment avec Travolta. Je regarde peu de films de gangsters mais le Parrain m'a laissée un souvenir impérissable, bien plus profond. Je pense que la psychologie y tenait une place plus importante et il ne faut pas oublier qu'il possède aussi des scènes d'anthologie considérées comme les meilleures du cinéma américain. En fait, il me manque une petite étincelle pour apprécier Pulp fiction qui n'appartient déjà pas à mon registre habituel mais en le voyant j'ai pensé qu'il représentait à merveille le septième art américain. Les États-Unis sont donc le pays de la pulp fiction !
Et un extrait pour terminer :


samedi 15 janvier 2011

L'étranger en moi, sensibilité et intelligence du cinéma allemand.

"L'étranger en moi" (titre original : Das Fremde in mir, d'Emily Atef) a été diffusé hier soir sur Arte, et je ne saurais vraiment pas mieux le résumer qu'eux alors je vais utiliser un très rare et honteux procédé : le copié/collé !

Le résumé d'Arte :

"Rebecca et Julian attendent leur premier enfant et se réjouissent à l’idée d’accueillir ce bébé. Mais les sentiments de la jeune femme changent du tout au tout après la naissance de Lukas. Paniquée et impuissante, elle s’aperçoit qu’elle ne ressent rien pour lui. Personne autour d’elle ne semble s’en rendre compte. Elle n’ose pas en parler par honte de ne pas être une mère exemplaire. Que lui arrive-t-il ? Pourquoi considère-t-elle son propre fils comme un étranger ? Ce mal-être indicible la ronge petit à petit, sans qu’elle parvienne à trouver une solution. Dans un moment d’égarement, elle oublie son petit à un arrêt de tramway. Ses proches prennent alors conscience de son état, mais ils ne le tolèrent pas. Convaincue qu’elle représente un danger pour Lukas, Rebecca suit alors une thérapie pour créer ce lien mère-enfant qui lui fait défaut. Une rééducation lente et complexe, rendue difficile par les doutes et l’incompréhension de son entourage… 
Un film émouvant sur un sujet encore tabou, celui de la dépression postnatale."


 
Le film laisse parfaitement transparaître les sentiments de Rebecca ou plus exactement son absence d'émotions. La musique est presque inexistante, on observe le monde d'un regard froid et les émotions réapparaissent seulement à la dernière minute. Ce film fait preuve d'une grande cohérence et d'une qualité cinématographique mais il se révèle également utile puisqu'il nous en apprend beaucoup à propos d'une maladie peu connue, souvent ignorée : la dépression post-natale.
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La jeune femme est rejetée par son mari, sa belle-soeur et son beau-père car elle est incomprise et on l'estime dangereuse pour son enfant Lukas. Effectivement la réaction de la plupart des gens devant un bébé est la tendresse, "oh comme il sent bon, comme il est petit mignon...", son entourage immédiat la voit comme un monstre. Et enfermée dans son mutisme c'est précisément ce qu'elle ressent et c'est pourquoi elle fait une tentative de suicide.
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Rebecca rejette son mari, elle ne veut pas le voir et on constate que la distance se creuse entre eux. C'est seulement à la fin que l'on constatera que l'amour n'avait jamais disparu mais que chacun se sentait coupable. Ainsi Julian pense que Rebecca le rend responsable de ce qui est arrivé, il regrette de n'avoir pas réalisé que sa femme allait si mal. Rebecca quant à elle croît qu'il la hait pour avoir mis en danger leur fils. Ainsi cette cicatrice qui les sépare ne se verra refermée qu'à la toute fin du film. Entre temps la jeune femme se reconstruit auprès de sa mère, c'est elle qu'elle demande après sa tentative de suicide. Cela paraît étrange que le rejet de sa propre maternité la dirige vers sa mère mais illustre un retour aux sources, à ce qui était avant que l'enfant ne naisse. Il s'agit ici de refuser tout ce qui nous est étranger, toute l'altérité. Et Julian rentre dans la société en venant au monde, il se différencie d'elle en naissant et devient un objet d'altérité. Il l'effraie et elle ne ressent rien pour lui, pas d'affection particulière, seulement une grande fatigue. On sait désormais que cette instabilité émotionnelle est due à des problèmes hormonaux, un déséquilibre post-natal mais peu de personnes l'admettent et le comprennent. La soeur de Julian, un personnage relativement antipathique voudrait dont oublier Rebecca et devenir une mère de substitution au bébé. C'est pourquoi lors des visites elle prend bien soin de câliner le bébé, par des gestes tendres elle s'affiche en figure maternelle et montre à Rebecca qu'elle ne peut assumer ce statut, elle affiche donc toutes leur différences. Il s'agit bien là de faire culpabiliser la mère, un point de vue que seul le psychologue peut effacer. Pour protéger son enfant elle a préféré tenter de se suicider donc elle n'est pas un monstre. Les séances de thérapie avec une psychomotricienne font penser à une renaissance. Les liens avec le bébé, un corps étranger ne sont pas apparus dès l'accouchement, ils font donc construite une relation peu à peu. La bande sonore, légère laisse entendre quelques sons, des oiseaux, le souffle de l'air. Dans un univers serein, sans aucun stress ou figure culpabilisatrice, Rebecca peut alors mettre au monde une deuxième fois son enfant. Celui-ci très nerveux ne pourra grandir que si sa mère va
mieux. Ce film nous montre donc que le sens maternel n'est pas toujours inné même si l'enfant a toujours un lien fort avec ses parents. Il faut savoir construire une relation, il n'existe pas de parcours type contrairement à ce que la société moralisatrice pourrait faire croire.
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On note également au passage l'opposition des deux cliniques : la première très médicalisée, plutôt lugubre et la seconde plus apaisante choisie par la mère de Rebecca. Le bienfait d'un soutien psychologique et d'une atmosphère apaisante sont mises en avant. On comprend quand la jeune femme ferme les yeux au soleil que ce cadre lui convient, sa mère très perspicace le saisit aussi et sourit. Il fallait enfin pour que Rebecca se contruise qu'elle soit éloignée de la famille de Julian, ainsi elle pouvait retrouver confiance en elle sans subir le regard accusateur des autres. (celui-ci subtilement dispersé dans le film, notamment lorsqu'elle oublie la poussette, un passage humiliant où elle doit prouver sa maternité ou bien lorsqu'elle est la proie de commentaires désobligeants quant à l'atelier qu'elle va louer, devenu sale et désordonné)
Sa confiance en elle, Rebecca la retrouve en se promenant seule avec Lukas mais la confiance de Julian sera reconquise plus tard, quand chacun sera sorti de son mutisme. Lors des dernières minutes on les retrouve enfin en tant qu'époux et non plus dans leurs rôles parentaux. Chacun a retrouvé son identité et peut, au prix d'un travail personnel et de lourdes remises en question envisager un avenir familial. Par le symbole d'une étreinte, le film s'achève sur une belle note d'espoir. Ce cinéma allemand, très psychologique me plaît bien, il a trouvé son identité au cœur de villes écologiques et calmes, il a choisi des thèmes délicats peu abordés, des acteurs excellents. Bref ce cinéma, c'est avant tout un regard intelligent sur le monde, teinté de tolérance, de simplicité et de sensibilité.

lundi 3 janvier 2011

Nathan Barr nous offre du True Blood !

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Les BO de films sont souvent mises de côté comme si elles n'étaient qu'une musique d'accompagnement, une sorte de pièce rapportée mais ce n'est pas toujours le cas. Parfois elles constituent une œuvre entière et sont même capables de s'épanouir en parallèle à leur support. Elles en sont l'âme, la matière essentielle, celle qui pénètre au plus profond de vous-même et vous envoûte. En effet, ce sont toujours elles qui peuvent vous replonger dans une histoire oubliée, telle une madeleine de Proust. On peut observer le même phénomène pour les séries TV sauf qu'elles sont encore plus sous-estimées. Et pourtant les exemples de bande réellement originales ne manquent pas ! Et dans ce sens, True Blood est la digne héritière de Buffy ou Angel (les références en terme de vampires) puisque la musique remplit largement son rôle, elle donne vie à l'image.


Avec True Blood on mise sur l'intensité avec la présence des instruments à cordes frottées. Alors évidemment les violons se mêlent aux pianos et cela suffit à Nathan Barr pour vous faire entrer à Bontemps. Si je parle principalement de la musique composée par lui, il ne faut pas négliger les chansons diffusées, elles aussi remarquables. En général les OST (Original soundtrack) se ressemblent, le meilleur exemple : celle de Bones. On y découvre peut-être des chansons pop rock très sympathiques mais ça ne reflète pas l'ambiance de la série. Il m'arrive d'apprécier mais ce n'est en aucun cas comparable aux véritables bandes originales. Celle de True Blood est immédiatement reconnaissable (c'est le point faible de The Vampire Diaries* qui apparaît plus pâle) en accord parfait avec la série. On retrouve ici la minutie d'Allan Ball (scénariste d'American Beauty, créateur de Six feet under)...





   Les violoncelles surgissent tel un cri grave issu des profondeurs, peut-être celui d'un homme damné c'est-à-dire le vampire perdu dans l'obscurité. Souvent, l'archet grince lourd sur la corde et produit un son dissonant presque douloureux, c'est le thème d'amour avec Sookie qui l'apaise et le glisse vers une mélodie répétitive. Mais évidemment l'air "Bill &Sookie together" suggère la passion qui les unit. Le violoncelle est souvent considéré comme l'instrument le plus proche de la voix humaine, si les personnages de True Blood sont pour la plupart morts (ou plus exactement non-vivants) l'enjeu principal n'en est pas moins la vie, à l'instar de Six feet under. Mais bien sûr, l'ombre de la mort est omniprésente, on comprend alors à quel point les deux sont liés. (comme disait notre ami Dawson la mort n'est pas le contraire de la vie mais de la naissance) Finalement ce déchirement apparaît peut-être en fondement de l'être humain. Le violoncelle correspondrait donc à ce que les Grecs appelaient catabase c'est-à-dire une descente vers les profondeurs terrestres, un certain enracinement. Dans cette série, vous êtes dans les ténèbres et parfois vous apercevez la lumière, vous respirez mais la terre et ses profondeurs vous semblent protectrices. C'est une inversion, le gain dans la perte. Préférez aller vers la racine, vous découvrirez des trésors inimaginables. En littérature, True Blood correspondrait aux Fleurs du Mal de Baudelaire.



Mais Nathan Barr a su apporter des compositions différentes au sein de la série puisque Take me home est simplement sublime, triste, bien plus enracinée dans le réel que des morceaux comme Sancto Erico (cela fait partie des airs très fantasmagoriques, voire psychédéliques avec "Amy's Goodbye"). On ressent une sorte de lassitude dans cette chanson, une grande fatigue comme celle ressentie par Sookie après les funérailles de sa grand-mère.



A l'inverse, en entendant le violoncelle on se sent envahi par une forte émotion, entouré d'une chaude atmosphère. Je vois True Blood comme un concentré étonnant de passions humaines. Quand j'entends le thème de Sookie et Bill je me retrouve dans la forêt brumeuse. Pour moi, la série s'oppose à Moonlight (que j'avais apprécié). La saison 1 reste ma préférée parce que Sookie est aux frontières d'un autre monde, elle ne fait que le discerner, il lui fait peur car il incarne l'inconnu, l'altérité la plus frappante, les vampires ont en effet franchi la mort ainsi elle est déchirée entre attraction et répulsion. Nous sommes aux frontières de la vie, une période intermédiaire (comme c'est souvent le cas au début des séries) tandis que les saisons suivantes plongent définitivement dans le fantastique, le mystère est moins fort puisque l'inconnu s'efface. Cette histoire avec un vampire ne peut-être belle qu'en son début. Les violoncelles sont parfois oppressants mais pourtant ils vous attirent. Pourquoi ? C'est du True Blood, de l'authentique. Dans bon nombre de séries on examine froidement la mort. Dans NCIS on regarde des cadavres en morceaux, dans The Mentalist des meurtres dans la banlieue chic californienne en buvant du thé. Ici c'est différent parce qu'on nous donne à vivre les évènements.






  
Comme Godric nous l'a montré il faut peut-être avoir touché les ténèbres pour atteindre la grâce ultime. (Goodbye Godric, la mélodie en est à l'image) J'aime cette idée, cela correspond à nouveau au gain dans la perte. Avec True Blood pas de demi-mesure, on ne peut être simplement morose ou mélancolique, True blood est la série de l'excès. Je crois que la musique fait ressortir son réalisme, nous ne sommes plus dans un idéal (comme l'atteste le choix principal du violoncelle et non du violon) mais bien dans toutes les contingences de la vie humaine. La mort, la douleur, le sexe, les relations sociales. Si la saison 1 tire ses aspects positifs de la relation Sookie/Bill les saisons suivantes se révèleront beaucoup plus sombres quant à la condition humaine. (notamment avec le changements de certains personnages)
  *Cela change de la BO de The Vampire Diaries qui si elle n'est pas extraordinaire reste appréciable. La pop prend trop de place par rapport à la musique du compositeur. Je préférais celui-ci dans Kyle XY. D'ailleurs on reconnaît tout de suite sa patte. Mais après tout la place occupée par True Blood (et bien sûr la chaîne, la CW n'a rien à voir avec l'innovante HBO sur le câble) les a obligé à s'installer dans le créneau teen drama d'où la pop. Celle-ci est inégale, on trouve du bon comme du moins bon, une dominante assez sombre, heureusement avec par exemple des titres de Placebo. Mais ce n'est jamais autant vibrant que True Blood.